Cela avait commencé par une légère douleur dans le coté droit de ma mâchoire supérieure.
Puis la peine est devenue plus intense, et c’est finalement a contrecœur que j’ai pris rendez-vous avec mon dentiste.
Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours été bercé par un préjugé populaire contre les arracheurs de dents. « Menteur comme un arracheur de dents » disait-on.
Cette engeance n’avait pas bonne réputation. Des fréquentations à éviter disaient les bonnes gens.
Mais pour l’absolution il faut passer par la confession.
Visite donc chez mon tortionnaire attitré.
Apres quelques rayons X et un examen de la dent coupable, « Vous avez un abcès sous la dent » me dit-il. Il va falloir procéder à un canal dentaire.
Un canal dentaire ! Pourquoi pas une ablation de la rate ?
Zut, crotte et flûte !
Je ne crois pas être un cas unique et j’avoue avoir certaines phobies.
L’introduction d’instruments acérés dans ma bouche par exemple en est une.
Tout mon être se révolte à l’idée de cette procédure contre nature.
Mais la peine est là, et il faut faire quelque chose. Mieux vaut une souffrance temporaire qu’une douleur permanente.
Je donne donc le feu vert a notre homme et il entreprend l’opération.
Au bout d’une demi-heure il s’interrompt et me dit « vous avez une dent fêlée, je ne peux pas continuer l’opération »
Gottverdamnt !
Il va falloir arracher la dent me dit-il, et ensuite mettre un bridge ou un implant dentaire.
On ne m’a jamais arraché une dent, et le souvenir de quelques photos dans de vieux magazines jaunis n’est pas là pour me rassurer.
Laissez-moi réfléchir lui dis-je.
Je délais l’échéance autant que possible et je me décide finalement a faire le grand saut.
A l’heure H je me présente chez le dentiste et il me sent nerveux.
N’ayez pas peur, vous ne sentirez rien me dit-il.
Ne disent-ils pas tous cela? Pourquoi est-ce que je ne le crois pas ?
On m’installe sur la table d’opération.
Voulez-vous du Valium ? me demande l’homme en blanc.
Absolument.
Pendant qu’il va chercher les pilules magiques, je regarde autour de moi.
A ma droite, un petit plateau avec une douzaine d’instruments pointus et recourbés ; ils semblent me narguer.
Le dentiste revient. Il sera assisté par un jeune homme grand et costaud.
Son rôle sera probablement de me maîtriser si je rue dans les brancards. Comme dans les asiles.
J’avale le Valium comme on avalerait une hostie.
On me badigeonne la gencive avec une sorte d’anesthésiant.
Viennent ensuite quelques piqures. Je ne sens presque rien.
Attendons que cela prenne effet dit le dentiste qui disparaît hors de mon champ de vision.
Quand je suis cuit a point, mes tortionnaires réapparaissent.
Ils me donnent des lunettes noires.
Bien, je préfère ne rien voir et je préférerais aussi ne rien entendre.
Ouvrez la bouche !
J’obtempère et les deux acolytes se mettent à la besogne.
Bruits divers. Inquiétants. On m’étire la bouche dans toutes les directions. On farfouille dans mon gosier.
Etonnamment, je ne sens pas grand-chose.
Le Valium et l’anesthésie locale font bien leur travail.
Je vais maintenant utiliser un marteau me dit le dentiste.
Un marteau ? Est-ce que j’ai bien entendu ?
Good Lord !
Je sens des chocs répétés sur ma gencive.
Je pense à Lady Macbeth. « Out damned spot ! » Out damned tooth !
Les bruits finalement s’arrêtent.
Je tâte délicatement ma mâchoire supérieure du bout de la langue. Là où il y avait une dent, je ne sens plus qu’un vide.
By George, the tooth is gone!
Nous allons maintenant suturer tout ça me dit le dentiste.
Allez-y maestro !
Mais l’anesthésie s’estompe et je commence à sentir les piqures du fil et de l’aiguille.
Les points de suture s’avèrent plus douloureux que l’opération.
Je gémis doucement.
Nouvelle piqure dans la gencive. La peine s’atténue.
Encore dix minutes.
On me met de la gaze dans la bouche pour arrêter le saignement.
Voilà, c’est terminé.
Mon dentiste me prescrit du Vicodin pour la douleur qui reviendra certainement après que les effets de l’anesthésie auront disparus.
J’espère que j’en n’aurai pas besoin, mais ça me rassure.
Il va maintenant falloir que je revienne pour l’implant dentaire.
Je n’aime pas l’idée, mais je crois que le plus dur est fait.
J’ai meilleur opinion des dentistes.
Alain